Embrasser Fanny
L'expression Embrasser Fanny est utilisée lors d'une partie de boules (jeu provençal ou pétanque) lorsque le score final est de 13 à 0. Le perdant ou l'équipe perdante doit alors embrasser le postérieur dénudé d'une représentation féminine surnommée Fanny.
Les expressions « faire fanny », « baiser Fanny », « être fanny » ou « se prendre une fanny » sont équivalentes et peuvent être utilisées dans d'autres activés comme le baby-foot et le ping pong.
À l'origine, les perdants devaient embrasser les fesses d'une femme prénommée Fanny, représentée sur tableau, ou sous d'autres formes (poterie ou sculpture).
Aujourd'hui, ces représentations se rencontrent davantage chez les antiquaires et les brocanteurs que dans les cafés où se réunissent traditionnellement les boulistes. Mais tous les clubs boulistes en conservent une à leur siège et cette icône fait partie de leur patrimoine.
C'était à l'origine tout à la fois une récompense et une honte pour l'équipe perdante mais toujours une franche rigolade pour les spectateurs. « Embrasser Fanny, c'est l'image effrayante de la défaite, la preuve horrible qu’on a été battu, et pas seulement battu, mais vaincu lamentablement, l'humiliation totale : perdre par 13 à 0 !
Pour pallier le manque cruel de Fanny de comptoir acceptant de se retrousser en public, fut mise en service, dans tous les lieux où l'on jouait au jeu provençal ou à la pétanque, une Fanny postiche aux fesses rebondies.
Conservée avec ferveur, véritable relique païenne, cachée dans une petite armoire, derrière un panneau ou un rideau, elle n'était dévoilée que pour un retentissant 13 à 0. Alors, le malheureux vaincu, à genoux comme s’il allait à confesse, en présence de tous, s’approchait de l'autel pour baiser l'icône.
Faire passer le postérieur de Fanny à la postérité fut aussi une façon radicale de braver la morale bourgeoise chrétienne qui jetait l'opprobre sur ses fesses dénudées.
Le bistroquet ne manquera pas de vous la présenter, sans dire un mot mais avec un sourire narquois, pour que vous déposiez une bise sur l’image des fesses rebondies de la belle provençale. Vous ne pourrez pas alors vous dérober aux regards ironiques de quelques pélandrons qui tout en dégustant un jaune, un fly ou un pastaga s’amuserons de votre honte.
Étrangement, en anglais américain, « fanny » signifie « popotin », et en anglais britannique « vulve ».
Certains pensent que son origine est savoyarde, mais on peut témoigner dès 1870 de l’existence d’une vraie Fanny à Lyon. Dans le quartier de la Croix Rousse, les joueurs se rencontraient sur le terrain du “Clos Jouve”.
Dans ce quartier habitait une jeune fille de 20 ans qui faisait le désespoir de ses parents, on la retrouvait souvent sur le terrain du Clos Jouve où elle admirait les joueurs. Voilà notre Fanny !
En cadeau de consolation, elle dévoilait ses charmes au joueur malheureux qui n’avait marqué aucun point : elle l’entraînait à l’écart et hop! elle relevait ses jupes et montrait ses fesses au vaincu. Nous n’en étions pas encore à les baiser.
La pauvre Fanny n’eut pas une destinée heureuse, elle fut prise pour folle, on manqua l’enfermer dans un asile mais la justice fut magnanime car elle considéra qu’elle égayait finalement le jeu. Elle finit par vivre avec un ivrogne, tomba enceinte, fut séparée de son enfant, fut internée dans un asile pour indigents où elle mourut quelques temps plus tard. mais son souvenir nostalgique est resté bien vivant, les habitués du Clos Jouve la firent passer à la postérité.